Le chemin de l’accomplissement peut parfois sembler long et tortueux. Comme nous le savons désormais, la pratique régulière du yoga permet d’accompagner les individus dans leur quête de plénitude et de réalisation. Le yoga est une philosophie de vie qui concerne non seulement l’aspect physique et la respiration, mais aussi le champ mental, les émotions, et touche à des plans subtils. À mesure que le yogi évolue, il découvre des facettes de sa personnalité parfois insoupçonnées. Il apprend à dompter ce qu’il considère comme ses défauts et à les sublimer, il se sert de ses qualités pour inspirer le monde.
Les niyamas que nous abordons ici sont en quelques sortes un code de conduite moral qui sert à soutenir et à aider les pratiquants du yoga dans leur évolution. Il s’agit de règles de vie dans notre relation à nous-même.
Les niyamas sont au nombre de cinq.
1er Niyama : Saucha : l’hygiène
Ce précepte nous incite à prendre soin de nous ; à bien nous nourrir par exemple, mais aussi à cultiver un état d’esprit serein et de bonnes intentions. En faisant le vide, nous laissons la place aux belles opportunités et nous avons l’esprit disponible pour les accueillir.
Dans notre vie quotidienne, on pourra prendre notre douche en conscience par exemple et un geste aussi simple que se brosser les dents deviendra source de bien être, choisir notre nourriture avec soin . Nous pouvons aussi aller dans chaque pièce de notre maison et voir ce que l’on y ressent, si on s’y sent bien, si ce n’est pas le cas, pourquoi et comment on peut y remédier. Saucha nous incite à voir qu’il y a une place pour chaque chose et que chaque chose est à sa place. De ce fait, l’énergie positive circule mieux chez nous et on s’y sent mieux. Ce n’est pas être maniaque, c’est une intention de clarté. De ce fait, il est possible que notre esprit se sente également clair et ordonné.
Dans la pratique du Yoga, Saucha prend plusieurs aspects :
– Lorsque nous quittons nos tapis, nous les nettoyons à chaque fois et nous savons que lors de notre arrivée, le tapis est propre. Non seulement par hygiène, mais aussi parce qu’en cours, notre tapis est notre univers, donc nous prenons soin de notre univers qu’il soit dans la salle ou chez nous. Ce petit univers qu’est le tapis, nous permet de séparer l’énergie des autres personnes de la nôtre. Le fait de savoir que notre tapis est propre, nous suggère aussi une clarté, un apaisement, une sensation agréable.
– Saucha s’est aussi se placer ici et maintenant, passer par la position allongée par exemple pour marquer la coupure avec le reste de la journée (changer de rythme, changer d’énergie). C’est également être accueilli par une musique apaisante : cela permet de séparer l’énergie du monde extérieur (tournée vers
l’extérieur) et celle qui sera la nôtre tournée vers notre intérieur. On pourrait également chanter (le son Om par exemple) pour marquer cela – il s’agit également de faire le ménage en soi, grâce aux petits rituels de début de séance, grâce à la concentration sur le souffle, mais aussi grâce à une rigueur imposée par les postures et leur enchaînement. Ce qui est d’abord un effort – d’alignement, de maintien dans une posture, de concentration – devient une façon d’être et l’accès à une certaine épure : il s’agit de se débarrasser du superflu.
2ème Niyama : Santosha : le contentement
Ce niyama nous encourage à apprécier véritablement ce que l’on a, ce que l’on vit, car cela consiste à rendre hommage à la vie et aux expériences qu’elle nous envoie, afin de nous faire grandir. Santosha nous révèle que nous pouvons être heureux simplement en étant observateur de ce que nous possédons et en aimant ce que nous vivons.
Dans la vie quotidienne, c’est renoncer à se croire victime de faits extérieurs et prendre la responsabilité de nos réactions. Et c’est en voyant la réalité qu’on pourra mobiliser nos forces créatrices pour entreprendre les actions nécessaires à un changement, pour notre bien. Santosha invite à l’action juste. Santosha invite aussi à la gratitude face à ce qui nous arrive. Parfois des situations difficiles nous apprennent quelque chose. Il ne tient qu’à nous de voir et de trouver une raison de rendre grâce. C’est trouver le coté positif des choses, trouver la bénédiction qui existe dans une souffrance, si cela est possible. Parfois cela peut nous aider à réinterpréter des évènements douloureux dans l’instant mais qui au final, nous on apprit quelque chose. Comment ressentir le contentement si on est déçu de soi, si on s’en veut pour quelque chose, si on se fait des reproches, si on traine une culpabilité, si on n’a pas confiance en soi, si on se trouve nul, si on est en permanence en quête d’autre chose ? Ce genre de pensées ne respectent ni Saucha, la pureté vue hier, ni Santosha. Gardons à l’esprit que notre démarche nous amène à vivre dans le moment présent et ce qu’on a, dans le moment présent est suffisant et bien. Si cela vous est possible, vous accueillerez l’avenir et vos aspirations avec plus de joie.
La pratique du Yoga y aide en incitant à trouver du plaisir dans la posture, à la savourer, notamment si notre corps nous impose une limite. Cette limite peut être présente en permanence, ou bien correspondre à la vérité d’un jour (un souci physique passager par exemple). Une limite dans notre corps est source d’enseignement : non seulement elle nous apprend l’humilité, mais elle nous enseigne Santosha : Etre heureux de la posture telle qu’on arrive à la pratiquer en conscience. Lorsque les personnes appellent pour s’inscrire au cours, leur réaction est très souvent (vraiment 9 fois sur 10) d’avertir qu’elles ne sont pas souples. En général, je réponds que ce n’est pas grave du tout, mais franchement, j’ai envie de répondre « tant mieux, c’est mieux ! ». Sur le tapis de yoga, on pratique Santosha en acceptant son manque de mobilité, d’équilibre ou de force dans une posture tout en explorant cette limite pour la repousser en douceur si cela est possible (respect d’Ahimsa), sans se mentir (respect d’Asteya) et sans aucune attente (respect d’Aparigraha) mais avec beaucoup de détermination (respect de Tapas).
3ème Niyama : Tapas : la constance
C’est en travaillant avec détermination et persévérance que nous atteignons nos objectifs. Ainsi, dans la pratique du yoga, il faut s’entraîner chaque jour assidument si nous voulons progresser. Tapas est l’énergie de motivation que nous possédons tous et qu’il est bon de cultiver afin de nous accomplir pleinement.
Dans la vie quotidienne, Tapas peut se trouver partout : c’est votre ardeur à nettoyer votre salle de bain ou à bien arranger votre jardin, tout simplement. C’est dans toutes les actions que l’on fait avec détermination, enthousiasme et effort. C’est réfléchir à des habitudes que nous avons qui ne sont pas très productives ou qui, si on les aménageait, permettrait d’être mieux. Tapas accroit la confiance en soi, la ferveur, la force. Dans la pratique, c’est prendre conscience des limites qui m’empêchent d’arriver à l’expression de la posture (tensions, faiblesse, raideurs, peur, … ) et les accepter telles qu’elles sont maintenant. C’est ressentir ses bras qui tremblent, ses abdos qui ne sont peut être pas assez solides, c’est expérimenter cet inconfort dans la posture qui devient confort. Tapas est notre volonté d’aller vers notre objectif : Si on trouve une posture difficile, on peut se créer un objectif réaliste (trouver comment on peut adapter une posture ?). C’est utiliser la visualisation pour se voir ayant atteint l’objectif et imaginer l’aisance de mouvement que cela apporte. C’est mettre en place les pratiques qui m’aideront à atteindre mon but (c’est par exemple identifier une série d’exercices qui prépare une posture (d’où parfois une notion de « posture finale » dans un cours, c’est prévoir une plage horaire suffisante pour les faire, c’est aussi par exemple prendre soin de soi en consultant un osteopathe qui trouvera la source d’un empêchement… ). C’est aussi explorer consciemment mes limites avec des micromouvements ou des modifications à la posture pour bien les cerner et les dissoudre graduellement, d’où les pratiques posturales où on peut rester plusieurs souffles dans une posture, la sentir évoluer).
4ème Niyama : Swadhyaya : l’introspection
Ici, il nous est conseillé de rester centré et conscient de nos pensées et de nos émotions à chaque instant. Pour cela, nous nous mettons dans la position d’un observateur bienveillant. Il s’agit d’une autoanalyse sans jugement, pour savoir comment agir et réagir en étant au maximum connecté avec ce que
nous voulons réellement. Brahmacharya consiste véritablement en l’intime compréhension par laquelle le « je » réalise que les objets extérieurs n’étancheront pas de manière pérenne la soif originelle de l’être. Brahmacharya est par conséquent un mouvement naturel de diminution. C’est l’entrée spontanée du « je » dans la décroissance, la fin du désir.
Dans la vie quotidienne, c’est lire, étudier, se nourrir d’expériences rapportées par d’autres et qui trouvent un écho en nous. Mais il s’agit moins d’une quête que d’une posture intérieure ; lorsque nous sommes dans cette attention à ce qui se passe en nous, les livres ou les rencontres nourrissantes viennent à nous, plus que nous les choisissons. L’écoute de soi engendre une écoute plus largement ouverte sur l’extérieur d’une façon plus apaisée. C’est avoir un comportement qui est en adéquation avec ce que l’on souhaite, avec notre façon de voir, prendre des décisions conformes à nous mêmes.
C’est Svadhyaya qui permet de trouver la Lumière de notre Soi, qui nous sommes vraiment.
Dans la pratique du Yoga, c’est de pratiquer ces yamas et nyamas, les asanas, les respirations, les méditations dans la conscience du ressenti pour apprendre à reconnaitre quand on agit en harmonie avec nous mêmes, nos objectifs. C’est donner à la pratique cet aspect contemplatif lorsque nous observons le
ressenti de notre corps. C’est apprendre à reconnaitre quand on fait quelque chose qui va à l’encontre de nos objectifs. Svadhyaya va tempérer Tapas (le précédent Niyamas) , sinon on ne pourrait pas ressentir (c’est l’équilibre entre l’action et la reflexion). C’est ce lien entre Svadhyaya et Tapas qui va développer la pleine conscience, la clarté, la puissance et la confiance en nous.
5. Ishwara pranidhana : la dévotion
Ce dernier principe invite à se défaire d’un ego souvent trop envahissant pour se tourner vers la Vérité, la pleine conscience, cette grandeur magnifique que nous possédons tous à l’intérieur de nous. Lorsque nous éliminons l’égo, il ne reste plus que notre Moi véritable, qui est amour et bienveillance.
Plus concrètement, dans la vie quotidienne, on est dans ishvara pranidhana quand on a fait tout ce qui devait être fait (grâce à la réflexion de svadhyaya et à l’action ardente de tapas) et que du coup, on ressent un lâcher prise spontané. Ishvara pranidhana c’est ce lâcher prise spontané dans lequel on va alors se connecter à notre intuition. C’est ce sentiment de confiance dans…….. (dans quoi ? ) qui font que les choses seront comme elles doivent être. Et ishvara pranidhana n’émerge que lorsque l’action (tapas) et la reflexion (svadhyaya) ont été entreprises avec tout notre coeur : on est transcendé, connecté à quelque chose de divin.
Difficile d’expliquer cela car la compréhension de ce concept peut aussi être lié à vos croyances personnelles.
On retrouve d’ailleurs des expressions de la vie courante qui y font allusion. Par exemple le célèbre « Alea jacta est », « si Dieu le veut », mais aussi « on verra bien », « advienne que pourra », « j’ai fait tout ce que JE pouvais ». Alors forcément, on peut s’en remettre à une entité spirituelle supérieure, au hasard, au destin et Ishvara pranidhana sera alors la foi en cela, l’abandon à cela. Dans une pratique de Yoga non duelle, ce serait tout simplement la confiance en la Vie, en Ce qui Est.
Pour revenir à Ishvara Pranidhana, dans la pratique du Yoga, ce niyama invite à ne pas rester attaché à sa « performance » physique, à son corps, en se reliant à plus grand. C’est aussi trouver le relâchement dans la force, trouver le « shavasana »(la posture allongée de fin de séance, le relachement en conscience) dans le « tadasana »(la posture debout, bien ancrée, tout le corps engagé), trouver l’harmonie dans le travail de tapas dans la posture et la concentration de svadhyaya. C’est trouver le relachement et le confort dans la posture.
Loin d’être des dogmes rigoureux, les niyamas sont des intentions positives qui peuvent aider l’individu à donner et à incarner le meilleur de lui-même. Ils fonctionnent de pair avec les yamas, qui sont des règles de conduite dans notre relation à autrui.